Voilà une actualité que je n’avais pas remarquée… Et pourtant : Le Livret A et le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) pourront financer de l’industrie de la défense à partir de 2024.
Un amendement…
Un amendement avait été initialement défendu par le Sénat dans la Loi de Programmation Militaire (LPM) avec la création d’un « livret d’épargne souveraineté ». Ce livret avait pour but de financer les petites et moyennes entreprises [PME] de la Base industrielle et technologique de défense [BITD].
Ce débat a fait suite à un rapport d’information sur l’économie de guerre remis en mars dernier.
En effet, leur activité n’étant pas conforme aux critères ESG, ces PME rencontrent des difficultés de financement auprès des banques qui craignent pour leur réputation. Christian Cambon, président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense au moment de cette proposition avait précisé qu’il s’agissait de « donner la possibilité à des Français qui veulent soutenir leur industrie de défense d’agir pour leur sécurité, d’investir dans un livret ».
Si l’idée paraissait avoir séduit le gouvernement, la proposition a été modifiée pour mobiliser une partie des ressources du Livret A et du LDDS pour des raisons de coûts et de surface financière. Elle a finalement été jugée « hors sujet » lors de la LPM, (retoquée par suite d’une décision du Conseil Constitutionnel), mais a été réintroduite dans le PLF 2024. L’amendement, qui modifie l’article L221-5 du code monétaire et financier, a été accepté par recours au 49.3 le mardi 7 novembre 2023.
…des changements…
Concrètement, 60% de la collecte du Livre A et du LDDS est collectée par les Caisses de Dépôts. Ces sommes sont prêtées aux bailleurs sociaux sur des durées longues. Le solde, soit 40% de la collecte, reste dans les banques qui doivent assurer la disponibilité de l’épargne et donc disposer de liquidités. Ce sont ces 40% dont il est question. Le financement du logement social, reposant sur les premiers 60%, ne sera donc pas impacté. En termes de montant, le Livret A et le LDDS représentent 510 milliards, nous parlons donc de 200 milliards potentiellement disponibles pour l’industries de la défense.
Ces fonds non centralisés peuvent aujourd’hui servir au financement :
- Des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement
- Des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens
- De l’économie sociale et solidaire (LDDS)
La partie relative au financement des entreprises sera donc modifiée en introduisant spécifiquement le secteur de « l’industrie de défense française ». On notera tout de même qu’il n’y a aucune obligation du côté des banques, mais seulement une incitation.
…Et des interrogations
Au-delà delà nécessité de financer notre industrie dans un contexte international particulièrement tendu, la méthode interroge tout de même à un moment où l’on renforce les critères ISR et les obligations des intermédiaires financiers en matière d’investissement responsable. Mobiliser des livrets réglementés, ayant un à but social et environnemental, parait pour le moins inopportun et en contradiction avec la transparence prônée aux professionnels du secteur…